Tous les regards sont tournés vers le 2 rue de Montpensier (Paris 1er). C'est ici, dans cet immeuble du Palais-Royal, que s'écrit l'avenir de la réforme des retraites.
Le vendredi 14 avril, les neuf membres du Conseil constitutionnel, surnommés "les neuf sages", rendront leur décision sur la conformité ou non de ce projet de loi avec la Constitution de 1958.
Cette décision est attendue tant par les opposants au texte que par ses partisans, notamment le gouvernement.
Le Conseil constitutionnel a été saisi de quatre recours concernant la réforme des retraites. Dès l'adoption du texte par l'Assemblée nationale, le 20 mars, ces spécialistes du droit ont été sollicités.
Les recours ont été déposés par la Première ministre, Elisabeth Borne, par Marine Le Pen au nom du groupe Rassemblement National (RN), par l'Union de la gauche (LFI, PS, EELV, PC) à l'Assemblée nationale et par la gauche sénatoriale (PS, PC, EELV).
Le Conseil constitutionnel devra décider s'il valide le projet de loi, le censure partiellement ou totalement. La réponse sera donnée le 14 avril prochain.
En attendant, PoliticAll, votre réseau social 100% politique, vous propose de découvrir les différentes missions du Conseil constitutionnel (I), avant de vous présenter les différentes options offertes aux neuf sages pour "juger" de la conformité du projet de loi sur les retraites avec notre Constitution (II).
Le Conseil constitutionnel n'est pas une cour suprême et ne se situe pas au sommet de la hiérarchie des tribunaux judiciaires ou administratifs. Créé en 1958, il a pour rôle de garantir le respect de la Constitution par les institutions et les organes de pouvoir.
Plusieurs révisions constitutionnelles, en particulier celle de 1974 permettant aux parlementaires de saisir le Conseil des lois non encore promulguées et celle de 1992 élargissant cette faculté aux traités associés à sa jurisprudence, ont permis au Conseil constitutionnel de trouver progressivement sa place dans les institutions et d'affirmer son autorité tant en matière de contrôle de la constitutionnalité des normes que dans le domaine du contentieux électoral.
Émettre des avis et juger de la régularité des élections nationales
Le Conseil constitutionnel a pour rôle de donner son avis dans certaines situations, notamment en cas de vacance de pouvoir ou d'application de l'article 16 de la Constitution, qui accorde des pouvoirs exceptionnels au Président de la République.
Le Conseil constitutionnel est également chargé de juger de la régularité des élections nationales, telles que la présidentielle, les législatives, les sénatoriales et le référendum. Les articles 58 à 60 de la Constitution définissent son rôle en matière de contrôle de la régularité des élections.
Le Conseil constitutionnel veille à la régularité de l'élection du Président de la République en examinant les réclamations et en proclamant les résultats du scrutin (article 58). Il est notamment chargé de recueillir les parrainages, d'établir la liste des candidats, d'assurer la surveillance des opérations de vote et de proclamer les résultats. En cas de contestation sur la régularité de l'élection des députés et des sénateurs, le Conseil constitutionnel statue également (article 59). Il peut annuler les élections lorsque la régularité du scrutin est en cause ou déclarer l'inéligibilité d'un candidat en cas de dépassement du plafond des dépenses électorales. Enfin, le Conseil constitutionnel peut décider de reporter l'élection en cas de décès ou d'empêchement d'un candidat.
Pour les élections parlementaires, le Conseil vérifie la régularité des résultats sur requête des électeurs ou des candidats ; il peut soit valider les résultats, soit annuler l'élection. Le Conseil est également saisi de la situation des candidats dont le compte de campagne a été rejeté par la CNCCFP (Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques), ou qui ont omis de déposer un tel compte. Il peut confirmer ce rejet et prononcer l'inéligibilité à tout mandat pour une durée pouvant aller jusqu'à trois ans pour le candidat dont le compte a été rejeté à bon droit.
Le Conseil constitutionnel veille à la régularité des opérations de référendum prévues aux articles 11 et 89 et au titre XV de la Constitution, et en proclame les résultats (article 60). En outre, le gouvernement consulte le Conseil constitutionnel sur les actes préparatoires à l'organisation du scrutin pour l'élection présidentielle et le référendum.
Le Conseil constitutionnel est également amené à se prononcer en cas de vacance ou d'empêchement du pouvoir présidentiel. Il constate le caractère définitif de cette situation et peut convoquer de nouvelles élections conformément à l'article 7 de la Constitution.
Veiller à la conformité des lois et des règlements des Assemblées à la Constitution
Longtemps considéré comme une atteinte à l'expression de la volonté de la Nation, le contrôle de la constitutionnalité des lois n'existe réellement en France que depuis 1958. Il a été confié au Conseil constitutionnel, organe qui avait un rôle limité lors des premières années de la Cinquième République.
Le Conseil constitutionnel effectue un contrôle de constitutionnalité sur les traités. Si le Conseil constitutionnel a déclaré qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou d'approuver l'engagement international en cause ne peut intervenir qu'après la révision de la Constitution.
Le Conseil constitutionnel effectue un contrôle de constitutionnalité sur :
Par ailleurs, le gouvernement consulte le Conseil sur les actes préparatoires à l'organisation du scrutin pour l'élection présidentielle et le référendum. Pour les consultations référendaires, le Conseil est consulté sur le texte soumis à référendum ainsi que sur les décrets relatifs à l'organisation du scrutin. Il en proclame les résultats.
Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le Conseil peut également être saisi sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de Cassation afin d'effectuer un contrôle a posteriori. Cela permet à tout citoyen impliqué dans un procès de réclamer qu'un nouveau contrôle de constitutionnalité soit effectué sur une disposition législative qu'il estime porter atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. Cette voie de saisine exceptionnelle prend la forme d'une question prioritaire de constitutionnalité (article 61-1 de la Constitution).
Les décisions du Conseil constitutionnel font autorité. Ainsi, une disposition déclarée inconstitutionnelle dans le cas d'un contrôle a priori ne peut être promulguée ni même mise en application (article 62). Dans le cas d'une question prioritaire de constitutionnalité, elle est immédiatement abrogée.
Trois options s’offrent aux Sages : une validation complète du projet de loi, une censure partielle, un rejet total… Une censure totale serait bien évidemment une énorme surprise. Aucun spécialiste de la Constitution ne l'envisage.
La Gauche et le Rassemblement national (RN) remettent en cause l'utilisation comme support de la loi d'un texte rectificatif de financement de la Sécurité sociale pour refondre les retraites.
Ils dénoncent également l'usage des articles 44-3/47-1/49-3… de la Constitution qui accélèrent les discussions à l’Assemblée et au Sénat. Selon la Gauche et le RN, cela devrait pousser les Sages à censurer une partie du texte.
Il reste désormais à ces derniers de se pencher sur chaque article pour voir s’il est bien conforme à la Constitution.
Un projet de loi qui ne serait pas respectueux de la Constitution
Le projet de loi budgétaire rectificatif pour la réforme des retraites permet à l'exécutif d'aller très vite. Après de nombreuses hésitations, le gouvernement avait initialement prévu de faire discuter la retraite à 64 ans dans un projet de loi dédié, mais a finalement opté pour ce qu'on appelle un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificatif (PLFSS).
Avec un objectif : permettre à l'exécutif de pouvoir aller très vite. Le budget de la sécurité sociale tout comme le budget de l'Etat peuvent être examinés en 50 jours maximum de débat au Parlement, suivant la disposition de l'article 47-1 de la Constitution.
Les Sages vont donc devoir se demander si la réforme des retraites avait un véritable caractère d'urgence. Si ce n'est pas le cas, le Conseil constitutionnel pourrait censurer le texte entièrement. L'hypothèse semble peu probable. Seul un seul texte budgétaire dans l'histoire de la Vème République a été censuré en 1979
La limitation des débats à l'Assemblée nationale
Pour parvenir à faire adopter la réforme des retraites, le gouvernement a multiplié le recours à la Constitution : un 49-3 à l'Assemblée nationale en première lecture, un vote bloqué au Sénat avec l'article 44-3, et l'article 44-2 pour des sous-amendements de la gauche sénatoriale. Ces articles permettent d'accélérer les débats, puis d'adopter sans vote la réforme à l'Assemblée nationale.
Comment les sages vont apprécier cet usage particulier de la procédure ? Vont-ils envoyer un signal au gouvernement par une censure globale ou des réserves d'interprétation ?
Le Conseil peut censurer totalement ou partiellement une loi
À l'issue de son examen, le Conseil constitutionnel peut censurer totalement ou partiellement une loi. On n'utilise pas le terme "annulation" car la loi n'a pas encore été promulguée.
Si le Conseil constitutionnel censure tout ou partie du texte, il faudra alors adopter un nouveau texte législatif, qui pourrait éventuellement intégrer ces dispositions. Cependant, une censure totale du texte semble peu probable étant donné qu'il contient des mesures relatives au budget 2023 de la sécurité sociale. Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont pas susceptibles d'être contestées.
Le contrôle de la constitutionnalité des lois existe en France depuis 1958 et a été confié au Conseil constitutionnel, devenu depuis la création de la Vème République un acteur essentiel de la vie démocratique de notre pays. Le Conseil est chargé d'émettre des avis, de juger de la régularité des élections nationales et de veiller à la conformité des lois et des règlements des assemblées à la Constitution.
Ainsi, le 14 avril prochain, les neuf membres du Conseil constitutionnel, appelés "sages", rendront une décision très attendue concernant la conformité du projet de loi sur les retraites avec la Constitution de 1958. Dès son adoption à l'Assemblée nationale le 20 mars, quatre recours ont été déposés auprès du Conseil constitutionnel. Depuis, les membres du Conseil étudient la conformité de chacun des articles du projet de loi avec la Constitution, en attendant la décision finale du Conseil, qui aura de fortes répercussions politiques.