Le Parti socialiste a-t-il déjà disparu ?

Le 6 mai 2012, le candidat socialiste, François Hollande remporte l’élection présidentielle face au président sortant, Nicolas Sarkozy. 

Il obtient 16,5 millions de suffrages. Quelques semaines plus tard, son parti, le Parti socialiste (PS) remporte les élections législatives et obtient la majorité absolue à l’Assemblée nationale avec 280 sièges. 

En 2012, le président de la République est donc socialiste tout comme le président du Sénat. Les socialistes sont aussi majoritaires à l’Assemblée nationale, au Sénat, le PS est alors la formation politique la plus puissante du pays. 

Nous sommes en février 2023. Plus de dix ans sont passés depuis la victoire de François Hollande au second tour des présidentielles de 2012. 

Alors que la Gauche est unie face au projet du gouvernement de réforme des retraites, le Parti socialiste se déchire depuis une dizaine de jours dans un bras de fer entre le premier secrétaire sortant, Olivier Faure et son challenger, Nicolas Mayer-Rossignol sur fond d’accusations de triche lors du vote des militants. 

Le Parti socialiste est au bord de l’implosion ! 

Rappelons qu’il y a quelques mois, le PS a réalisé son score le plus faible à une élection présidentielle celle de 2022 avec sa candidate Anne Hidalgo (1,75 %) et est parvenu à sauver son groupe parlementaire à l’Assemblée nationale qu’en participant à l’accord de la Nupes (Nouvelle union populaire écologique et sociale) dominée par la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon. 

Comment expliquer ce déclin du Parti socialiste (PS) qui l’a vu passer en dix ans d’une position dominante dans le paysage politique français à une position de “faire-valoir” à gauche ? 

Avec deux échecs consécutifs à la présidentielle (6,3 % en 2017, 1,75 % en 2022), le PS a-t-il tout simplement encore un avenir ? 

Nous verrons dans cet article de PoliticAll, votre réseau social 100 % politique que le PS est un Parti politique traumatisé et abîmé (I) conséquence de l’absence d’une vision idéologique claire et assumée aboutissant à “deux gauches irréconciliables” (II) mais que l’implantation locale du Parti socialiste peut être une raison d’espérer (III).

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Un Parti socialiste traumatisé et abîmé

Revenons sur les quelques jours qui auraient pu provoquer l’explosion du PS. 

Olivier Faure, premier secrétaire du parti (chef du parti) a été confirmé à son poste tandis que son adversaire Nicolas Mayer-Rossignol est devenu premier secrétaire délégué à l’occasion du congrès du Parti socialiste de 2023 qui a connu son épilogue à Marseille entre le 27 et le 29 janvier. 

Depuis le 19 janvier, Olivier Faure et Nicolas Mayer-Rossignol se livrent à une bataille féroce revendiquant tous deux avoir gagné le vote pour la place de premier secrétaire du PS. 

 

Le communiqué publié, vendredi 20 janvier à l’aube par le parti annonçant l’arrivée en tête de son actuel chef de file avec 50,83 % des voix n’a pas réussi à convaincre le maire de Rouen, crédité de 49,17 % des suffrages. Ces chiffres faisant état d’une avance de seulement 393 voix pour Olivier Faure. 

Tout s’est ensuite accéléré ! 

Les conférences de presse à distance, les opérations de transparence, la désignation d’une commission de récolement se sont enchaînées pour aboutir en fin de compte au fait que le sortant Olivier Faure évoque dans le Journal du Dimanche un résultat clair et net en sa faveur

Puis à Marseille, après d’âpres négociations, Olivier Faure et Nicolas Mayer-Rossignol sont tombés d’accord sur une direction collégiale de trois membres où chacun s’engage à porter de manière solidaire les décisions prises d’un commun accord. 

Ce “triumvirat” est donc constitué d’Olivier Faure, premier secrétaire, de Johanna Rolland, la maire de Nantes et Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen, premiers secrétaires délégués. 

 

Un spectacle qui rappelle les pires épisodes des innombrables guerres de chefs qui ont secoué le PS depuis les années 80. Le congrès de Marseille de 2023 s’inscrit ainsi dans la désormais longue liste des congrès où le Parti socialiste s’est déchiré. 

Citons le congrès de Tours de 1920 où les socialistes prennent leur distance avec les communistes. Le congrès d’Epinay de 1971 où un certain François Mitterrand pourtant “minoritaire” parvient à prendre le contrôle du PS.

 

Et puis, il y a eu le congrès de Rennes en 1990. C’est peut-être le congrès le plus douloureux avec sept motions et des rivalités entre Lionel Jospin (Premier ministre de 1997 à 2002) et Laurent Fabius (Premier ministre de 1984 à 1986). 

Ou encore le congrès de Reims en 2008 avec un duel entre Martine Aubry (maire de Lille et ancienne ministre) et Ségolène Royal (ancienne candidate à la présidentielle de 2007 et ancienne ministre) avec déjà des doutes sur la sincérité des résultats. 

Le Parti socialiste a donc l’habitude des guerres d’égo, des rivalités qui reflètent les ambitions personnelles des uns et des autres, mais cette fois-ci la donne a changé ! 

Si le PS a su rester entier et uni autrefois, c’est que la machine socialiste a longtemps été une machine à gagner des élections. 

Aujourd’hui, le Parti socialiste est dans l’ombre de LFI (La France Insoumise) et est sous la coupe de l’accord de la Nupes (Nouvelle union populaire écologique et sociale). 

Plus qu’une querelle de personnes, les divisions sont d’abord idéologiques au PS : du côté d’Olivier Faure, partisan une participation sans nuance à la Nupes dirigée par la France insoumise, de l’autre une ligne indépendante défendue par Nicolas Mayer-Rossignol. 

En 2023, le Parti socialiste est un parti moribond, amoindri, abîmé comme en témoigne l’évolution du nombre de ses militants. Ils étaient 111 450 adhérents en 2016, le parti ne comptait plus que 41 000 adhérents à jour de cotisation en 2023. En dix ans, le PS a perdu 80 % de ses militants et 90 % de ses parlementaires. 

Le PS enchaîne en plus les déroutes électorales !  

À l’élection présidentielle de 2017, son candidat Benoît Hamon n’est parvenu qu’à récolter 6,3 % des suffrages pris en étau entre Emmanuel Macron (En Marche) et Jean-Luc Mélenchon (LFI). 

 

Un score et des revers électoraux qui endettent lourdement le PS. Et tel un symbole de son déclin, le parti à la “rose et au poing” est contraint de se séparer en décembre de son siège historique, un immeuble de 3 000 m2 rue de Solférino à Paris en décembre 2017. 

Malgré ses revers, ses échecs, le Parti socialiste n’est pas parvenu à remettre les choses à plat, à avoir une vision idéologique claire, à se donner un projet politique capable “d’enthousiasmer” du moins à gauche jusqu’à vivre le pire échec d’un candidat socialiste à la présidentielle en 2022 avec Anne Hidalgo.

La maire de Paris ne récoltant que 1,75 % des voix.  

 

Comment ce si “grand” parti qui a marqué l’Histoire de la politique française a pu en arriver là ?

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Le saviez-vous ?

Le 4 mai 1969, c’est la naissance du Parti socialiste à Alfortville. Un nouveau nom pour l’ancienne SFIO (Section française de l’Internationale ouvrière) fondée en 1905. L’objectif d’alors était de rallier les divers courants socialistes à la veille de la présidentielle de 1969 (suite au départ du Général de Gaulle en avril). 

 

Aux termes de débats houleux, Gaston Defferre, président des députés socialistes et maire de Marseille, est alors désigné candidat du nouveau PS pour l’élection présidentielle. Defferre ne recueille que 5 % des voix. Le congrès d’Epinay en 1971 marque le début de la reconquête ! 

Les socialistes s’unissent de nouveau. François Mitterrand rejoint le Parti socialiste et devient son premier secrétaire. Il prône une entente avec le Parti communiste (PC) pour la future conquête du pouvoir ! Dix ans plus tard, l’union des Gauches et l’alliance stratégique avec le PC porteront ses fruits. François Mitterrand devient en 1981, le premier président socialiste de la Ve République.

L'absence d'une vision idéologique claire et assumée aboutissant à deux gauches irréconciliables

Le PS est aujourd’hui incapable de peser dans le débat. Il semble condamné à être le supplétif des autres mouvements de la Nupes, La France Insoumise (LFI) mais aussi des écologistes d’Europe Ecologie les Verts (EELV). 

Le congrès de Marseille en 2023 n’a rien arrangé puisque les adhérents ne sont pas parvenus à trancher entre une participation sans nuance à la Nupes (Nouvelle union populaire écologique et sociale) portée par le premier secrétaire, Olivier Faure et de l’autre une ligne indépendante défendue par Nicolas Mayer-Rossignol. 

Deux gauches irréconciliables semblent habiter au PS. 

Cette division est là, visible, palpable depuis la moitié du quinquennat de François Hollande. 

Rappelons-nous des “frondeurs”, ces parlementaires pourtant membres du PS, mais opposés à la politique du gouvernement qui ont au bout du compte empêché François Hollande de se représenter en 2017. 

 

Les “frondeurs” ont gagné la partie avec la désignation de Benoît Hamon comme candidat socialiste en 2017. 

Mais ce dernier isolé, en aucune manière soutenu par le parti, par les éléphants, ces grands noms du PS ou par les ministres, le candidat du PS à la présidentielle n’a pu faire mieux que 6,3 %. 

Une fois la présidentielle passée, la nouvelle direction du PS a jugé de manière très critique le quinquennat de François Hollande dénonçant une certaine dérive libérale (loi Macron, les lois travail, réforme de la retraite… ) et autoritaire (déchéance de nationalité…). 

Un inventaire du quinquennat Hollande qui devait relancer la machine “socialiste”. 

Mais le PS ne s’est jamais lancé dans une totale remise à plat de ses idées, de sa vision pour le pays. Des débats entre frondeurs et pro-gouvernementaux sur des questions essentielles comme l’Europe, le rapport au travail, la laïcité auraient été nécessaires pour tenter de refondre une formation politique dans ses objectifs et ses attentes. 

En 2023, une certaine gauche radicale, soutien de La France Insoumise (LFI), a gagné la partie contre une “gauche de gouvernement” porteuse d’une social-démocratie à la française. N’est-ce pas ainsi la fin de ce courant dit “responsable” au sein de la famille socialiste ? 

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En raison de l’augmentation du chômage et de la mondialisation, la social-démocratie a choisi d’accompagner et de soutenir les politiques néolibérales en mettant en place des politiques de “rigueur budgétaire”, mettant ainsi fin à la théorie socialiste d’une relance économique par la consommation.

Le marché est valorisé, l’action de l’Etat dévalorisée ! Un choix de politique qui a déçu “la base”, les électeurs socialistes les plus à gauche ! 

Pour ses électeurs, la gauche de gouvernement “a trahi” ses idéaux socialistes et ont préféré opter pour une gauche plus radicale. Ainsi, la social-démocratie a perdu le soutien des classes populaires et s’est tournée vers la classe moyenne. 

La social-démocratie, contrairement à certains idéaux socialistes, n’entend pas abolir l’économie de marché, mais souhaite mettre en place toutes les régulations nécessaires au niveau de l’entreprise, au niveau national, au niveau européen. 

Incapable de se réinventer et d’avoir un discours clair pour proposer un projet politique désirable, le PS n’est pas parvenu à réconcilier ses deux gauches et semble condamné à jouer le rôle de faire-valoir aux côtés de LFI et d’Europe Ecologie les Verts. 

Il a manqué au Parti socialiste un congrès de “remise à plat de ses idées” à l’instar de ce qu’à fait son voisin allemand, le SPD, le Parti social-démocrate en 1959. Le congrès de Bad Godesberg marque en effet une rupture avec les programmes officiels antérieurs du parti et certains des principes qu’il énonce sont encore en vigueur. Pour la première fois, le SPD abandonne formellement les idées d’inspiration marxiste. Il reconnaît l’économie de marché et se dit lié au peuple entier non aux seuls travailleurs. 

Le saviez-vous ?

Qu’est-ce que le socialisme français ? Il est animé par deux orientations idéologiques dominantes. L’une est inspirée par la théorie marxiste ; elle insiste sur la nécessité d’un changement radical de la société bourgeoise et capitaliste ! L’autre en revanche estime qu’il est possible de jouer le jeu de la démocratie libérale et de modifier l’organisation sociale et politique existante en utilisant les moyens que la démocratie politique met à la disposition des citoyens. Plus globalement, le socialisme se fonde sur un “combat” contre les injustices sociales et un “combat” pour l’émancipation individuelle et collective.

L'implantation locale du Parti socialiste : une raison d'espérer

Le Parti socialiste demeure un parti qui bénéficie d’une forte implantation locale. Durant les élections municipales de 2020, malgré une frayeur à Lille, les socialistes ont conservé la quasi-totalité de leurs villes importantes et ont même repris Montpellier

Le PS devra s’appuyer sur cette implantation et ses structures locales pour espérer une reconquête électorale nationale. Les dirigeants socialistes en ont bien conscience puisqu’ils viennent de nommer Johanna Rolland, maire de Nantes comme secrétaire nationale déléguée. Elle fait donc partie de la direction collégiale du PS avec Olivier Faure et Nicolas Mayer-Rossignol. 

Mais même au niveau local, la domination du Parti socialiste à gauche est remise en cause ! Europe Ecologie les Verts (EELV) apparaît désormais comme la force dynamique à gauche au niveau local. La performance socialiste aux élections municipales de 2020 a ainsi été éclipsée par la “vague verte”. 

N’assiste-t-on pas ainsi à un effacement du Parti socialiste au niveau local remplacé peu à peu par les écologistes ? Combien de temps, les bastions socialistes vont être encore sauvegardés ? 

Condamné à jouer un rôle de supplétif au niveau national dans le cadre de la Nupes avec une LFI dominatrice et remise en cause au niveau local par la montée en puissance des écologistes, que reste-t-il aux socialistes ? 

Des dynamiques externes à gauche et des divisions internes au sein du PS qui posent même la question de son avenir ! 

Conclusion : Le Parti socialiste a-t-il encore un avenir ? 

“J’ai décidé de ne pas être candidat à la présidentielle, au renouvellement de mon mandat” annonce le Président de la République, François Hollande dans une allocution télévisée le 1er décembre 2016. 

Ce renoncement est un coup de théâtre et laisse un boulevard à son ancien ministre de l’économie et secrétaire général de l’Elysée : Emmanuel Macron. 

Plus de six ans sont passés et nous avons l’impression que le Parti socialiste n’a toujours pas digéré la décision de François Hollande. Plus que jamais, sa famille politique est divisée comme en témoigne la dernière nouvelle guerre des chefs à l’occasion du récent congrès de Marseille entre le premier secrétaire sortant, Olivier Faure et son challenger Nicolas Mayer-Rossignol. 

Le Parti socialiste reste sur deux échecs à la présidentielle en 2017 et 2022 et ne doit sa survie politique qu’à un accord en vue de préserver un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale avec LFI et les Verts. 

Mais dans cette Nupes, les socialistes sont condamnés à jouer un rôle de supplétifs. 

Désormais, deux gauches “irréconciliables” habitent plus que jamais le parti ! 

Dominé au niveau national par la France Insoumise, il ne reste au PS que le local pour trouver des raisons d’espérer bien que les écologistes lui fassent de plus en plus de l’ombre. 

Ainsi, le PS peut-il encore espérer “des lendemains qui chantent ?” 

Encore faut-il que le Parti socialiste fasse l’effort d’un débat clair sur son projet politique, “un nouvel Epinay” n’est-il pas nécessaire ? 

Il est vrai qu’à l’époque, le PS pouvait compter sur un certain François Mitterrand. Aujourd’hui, ses “éléphants” (les anciens dirigeants socialistes) et la jeune garde socialiste ont quitté les rangs, le PS est ainsi confronté en plus à une crise de leadership ! 

La “rose” socialiste est en définitive bien pâle !

Débat : Et vous, qu'en pensez-vous ? Le PS a-t-il déjà disparu ? Si oui, à qui la faute ? A François Hollande, à l'actuel premier secrétaire, Olivier Faure, à Jean-Luc Mélenchon et la France Insoumise ? 

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