Que deviennent les Présidents de la République après leur départ de l’Elysée ?
Que deviennent les Présidents de la République après leur départ de l’Elysée ?
Nous sommes en mai 2027. Le Président de la République, Emmanuel Macron, élu pour la première fois dix ans plus tôt, s’apprête à quitter l’Elysée et donc le pouvoir. Il n’a que 49 ans.
Que va-t-il désormais faire de cette nouvelle vie professionnelle qui s’ouvre à lui ?
Il pourra prendre exemple sur ses prédécesseurs.
Chacun à leur manière, les anciens Présidents de la République ont tenté de réinventer leur vie après avoir endossé la fonction suprême. En moyenne, l’âge de départ en retraite post-présidence est de 67 ans. Il descend à 65 ans au moment du départ d’Emmanuel Macron en 2027.
Ils ont dû faire bonne figure malgré la profonde tristesse de quitter le pouvoir. Tous n’étaient pas préparés à ce vide et à retrouver la simplicité de la vie quotidienne. Ils ont tous connu l’ennui et la nostalgie après avoir quitté l’Elysée.
Ainsi, de De Gaulle à Hollande, que sont devenus les Présidents français une fois leurs mandats terminés ? Qu’ont-ils fait de leur retraite après avoir quitté le pouvoir ? Quel a été leur nouveau quotidien d’après pouvoir ?
Politicall, votre réseau social 100 % politique, vous propose de voir en détail, tout d’abord, les privilèges des anciens Présidents après leur départ de l’Elysée (I) avant une plongée dans la vie d’après des anciens Présidents de la République sous la Vème République (II).
Les privilèges des anciens Présidents de la République après leur départ de l'Elysée
Après leur départ, ceux qui ont endossé la fonction présidentielle conservent des avantages matériels et humains, pris en charge par l’État et garantis à vie.
Les avantages financiers
Un ancien Président de la République touche une retraite équivalente à celle d’un conseiller d’État ordinaire, soit environ 6 000 euros bruts par mois qui s’ajoutent aux éventuels salaires et pensions auxquels il a droit au titre de ses activités professionnelles autres que la Présidence.
S’il décide de siéger au Conseil constitutionnel, comme il en a le droit, il touche en plus environ 11 500 euros nets par mois.
Les avantages en nature
Deux fonctionnaires de la police nationale sont mis à leur disposition à titre permanent pour assurer leur protection rapprochée, sauf s’ils ne le souhaitent pas.
Un ex-Président dispose d’un appartement de fonction meublé et équipé, dont la maintenance et les charges, y compris le téléphone, sont assumées par l’État.
Par ailleurs, l’État prend en charge sept collaborateurs permanents (chef de cabinet, assistantes, secrétaire).
Avec le décret de 2016, le nombre de collaborateurs permanents passe de 7 à 3 au-delà de la cinquième année suivant le départ de l’Élysée. Les anciens chefs de l’État disposent d’une voiture de fonction avec deux chauffeurs (un seul au-delà de cinq ans).
Ils peuvent voyager gratuitement autant qu’ils le souhaitent sur Air France et avec la SNCF. Ils peuvent également bénéficier d’une aide pour faciliter leur séjour et loger en préfecture ou sous-préfecture.
Une plongée dans la vie d'après des anciens Présidents de la République sous la Vème République
Nous verrons pour chacun des présidents de la République sous la Vème République ce qu’a été leur nouveau quotidien après avoir quitté le pouvoir.
Charles De Gaulle (1959 - 1969)
Suite aux événements de mai 1968, le premier président de la République de la Vème République entend retrouver une nouvelle légitimité avec un référendum. Celui-ci a lieu en avril 1969 et porte sur la réforme du Sénat et la régionalisation. De Gaulle avait alors prévenu: “Si je suis désavoué par une majorité d’entre vous, ma tâche actuelle de chef de l’État deviendra évidemment impossible et je cesserai aussitôt d’exercer mes fonctions”. Le “non” l’emporte malgré tout !
Comme il s’y était engagé, De Gaulle démissionne. Presque octogénaire, il retrouve sa demeure de la Boisserie à Colombey-les-Deux-Églises. Plutôt que de voter à l’élection présidentielle dans son fief électoral, il préfère voyager outre-manche direction l’Irlande puis en Espagne où il rencontrera Franco.
Il se réfugie par la suite dans ses “Mémoires d’espoir”. Mais elles demeureront inachevées. De Gaulle est emporté par un anévrisme en novembre 1970. Le jour des obsèques, la femme du général, Yvonne De Gaulle dira à l’ancien ministre Alain Peyreffite : “Vous n’imaginez pas à quel point il a souffert depuis deux ans”.
Georges Pompidou (1969 - 1974)
Arrivé au pouvoir au même âge que François Hollande, Georges Pompidou est le seul président de la Vème République qui décède en exercice des suites de maladie. Il meurt dans son appartement parisien du quai de Béthune, le 2 avril 1974, à l’âge de 62 ans.
Valéry Giscard d’Estaing (1974 - 1981)
Avant Emmanuel Macron, c’était lui le plus jeune président de la Ve République. Il s’est donc distingué par la vie d’après la plus longue jusqu’à son décès en décembre 2020, à l’âge de 94 ans. Cela faisait en effet 39 ans et six mois qu’il avait quitté l’Élysée au moment de sa mort.
Pour Giscard, son échec à sa réélection en 1981 face à François Mitterrand “n’est pas une défaite, c’est une non-victoire”. La remise en route de Valéry Giscard d’Estaing après sa défaite est difficile. Il ressent le besoin de prendre de la distance. VGE ne lit alors plus les journaux, n’écoute plus la radio et ne regarde plus la télévision.
Un mois et demi après sa défaite, premier réel échec de sa carrière, il se retire dans un monastère sur le mont Athos en Grèce. Il y va pour trouver du calme et du silence. Les déjeuners et les dîners s’y déroulent dans le silence le plus complet. Il veut se retirer pour essayer de comprendre ce qui s’est passé le 10 mai 1981 et la victoire de François Mitterrand à la présidentielle. “Disons la vérité, écrira-t-il dans ses mémoires : "Le pouvoir et la vie, je n’avais jamais imaginé ma défaite. J’en garderai une morsure. La morsure d’une inguérissable nostalgie”. Cette “morsure” reviendra comme un boomerang le hanter chaque printemps de 1981 jusqu’à sa mort !
“Ce que je ressens dira-t-il n’est pas de l’humiliation, mais quelque chose de plus sévère : la frustration de l’œuvre "inachevée”. L’ancien Président se ressource également au Canada où il est à l’abri des regards et de la curiosité.
C’est alors qu’il décide de poursuivre son engagement politique ! Moins d’un an plus tard après son départ de la rue du Faubourg Saint-Honoré, il se représente en mars 1982 dans le canton de Chamalières en Auvergne où il fut maire avant d’être Président. Il l’emporte à plus de 70 % des suffrages !
Il poursuit sa vie politique de manière active pendant longtemps : chef de parti jusqu’en 1996 (UDF), député jusqu’en 2002, président de la région Auvergne jusqu’en 2004. Au niveau européen, il a piloté l’écriture du projet de Constitution européenne qui a finalement été rejeté par les Français lors du référendum de 2005.
En plus de la politique active, Valéry Giscard d’Estaing aime écrire. Il avait déjà sorti pendant son septennat “Démocratie française”, un essai vendu à plus d’un million d’exemplaires. Une fois le pouvoir quitté, il a poursuivi en publiant ses mémoires, mais aussi en publiant plusieurs romans à partir de 1994, “Le Passage”, “La Princesse et le Président”, “La victoire de la grande armée”. Il est même élu à l’Académie française en 2003.
Valéry Giscard d’Estaing comme tous les anciens Présidents était membre de droit du Conseil constitutionnel. Il l’a fait effectivement en échange d’une indemnité mensuelle de 14 000 euros bruts. Il meurt en décembre 2020 des suites du Covid à l’âge de 94 ans.
François Mitterrand (1981 - 1995)
“Je crois aux forces de l’esprit et je ne vous quitterai pas”. C’est durant ses ultimes vœux officiels et solennels aux Français, le 31 décembre 1994, que François Mitterrand lance cette phrase. Il quitte en mai 1995, la présidence de la République après 14 ans. Il détient le record de longévité grâce à ses deux septennats.
Mais depuis l’annonce de la maladie du Président en 1992 suite à sa première opération pour un cancer de la prostate, François Mitterrand lutte contre la maladie qui progresse inexorablement.
Il ne veut qu’une chose, terminer son second septennat. Il y parvient, mais au prix de grandes souffrances. Les médecins l’entourent jour et nuit. Le 17 mai 1995, c’est la journée du vrai départ après plus de 5 000 jours passés à l’Élysée. Mitterrand a convié l’écrivain et opposant politique Jean d’Ormesson pour un petit-déjeuner personnel politique et littéraire. Dans l’après-midi, les dirigeants socialistes reçoivent l’ancien Président au siège du Parti socialiste (PS) rue de Solférino. François Mitterrand reçoit une Twingo verte en guise de cadeau qu’il laissera à sa fille Mazarine.
L’ancien Président socialiste s’installe à quelques mètres du Champ-de-Mars dans le très chic VIIe arrondissement de Paris : l’avenue Frédéric-le-Play. Il y mène une vie rythmée par la douleur, les rencontres et les siestes. Lorsqu’il ne souffre pas trop, il reçoit beaucoup des responsables politiques français et étrangers en fonction ou en retrait.
Il se promène dès qu’il peut au bras de son médecin dans les allées du Champs-de-Mars. Au petit matin du 8 janvier 1996 vers 7 heures, Mitterrand s’éteint.
Jacques Chirac (1995 - 2007)
Après plus de 40 ans de vie politique où Jacques Chirac aura été tour à tour député, maire de Paris, ministre, Premier ministre, Président de la République durant 12 ans, il doit couper avec sa grande passion : la politique.
Déjà affaibli après son accident vasculaire cérébral (AVC) de septembre 2005, son état de santé s’aggrave dans les jours et semaines qui suivent son départ de l’Élysée, avec des moments d’absence, des trous de mémoire, et une grande fatigue. L’ancien Président affirme dans le premier tome de ses mémoires intitulé “Chaque pas doit être un but” : “J’ai mis du temps à m’habituer à l’idée de devoir renoncer à des responsabilités politiques. En fait, je ne crois pas m’y être préparé !”.
Inspiré par les fondations de Bill Clinton et de Nelson Mandela, il lance la sienne en juin 2008 au musée du Quai Branly, futur musée du quai Branly, Jacques Chirac. La “fondation Chirac” a pour objectif est d’intervenir à travers le monde dans quatre grands domaines : l’accès à l’eau et à l’assainissement, l’accès à la santé et aux médicaments de qualité, la lutte contre la déforestation et la désertification et la protection de la diversité culturelle. Il se rend en tant qu’ambassadeur de sa Fondation en Afrique à plusieurs reprises pour inaugurer des projets locaux, mais aussi en Russie. Pour rompre avec l’ennui, il publie ses mémoires en deux volumes : “Chaque pas doit être un but” puis “Le temps présidentiel”. Il prépare également son procès.
En décembre 2011, il est condamné à deux ans de prison avec sursis. Jacques Chirac a été déclaré coupable de “détournement de fonds publics” et “abus de confiance” dans le cadre de l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris. Il se rend de temps en temps au Conseil constitutionnel dont il est membre de droit où il retrouve son adversaire de toujours, Valéry Giscard d’Estaing.
Avec la progression de la maladie, il s’efface peu à peu, il cesse même de siéger au Conseil constitutionnel en 2011. Il meurt en septembre 2019 à l’âge de 86 ans.
Nicolas Sarkozy (2007 - 2012)
“En cas d’échec, j’arrête la politique, je changerai complètement de vie, vous n’entendrez plus parler de moi” avait-il dit durant la campagne présidentielle de 2012. Et en perdant l’élection face à François Hollande, il avait annoncé qu’il allait redevenir “un Français parmi les Français”. Il n’a pas tenu bien longtemps au point même de vouloir se représenter à la présidentielle suivante.
Il se présente en effet aux primaires de la Droite et du Centre en vue de l’élection présidentielle de 2017. C’est le seul à avoir tenté l’expérience sous la Ve République. S’il réussit à reprendre l’UMP puis Les Républicains (LR) en se faisant réélire président du parti en 2014 dès le premier tour. Il finira par échouer aux portes de la candidature présidentielle. En effet, il est éliminé dès le premier tour de la primaire du parti Les Républicains, battu par François Fillon et Alain Juppé avec 20,7 % des voix. Sa vie politique nationale est terminée.
Nicolas Sarkozy a suivi le modèle de nombreux ex-présidents américains s’engageant dans une activité très lucrative, des interventions dans des conférences sur l’économie et la finance à l’étranger. Il entre en février 2017 au conseil d’administration du groupe hôtelier Accor, dirigé par son ami Sébastien Bazin. Interrogé par la justice sur le financement libyen de sa campagne en 2007. Après une garde à vue, il est placé sous contrôle judiciaire et mis en examen le 21 mars 2018. En février 2017, il est renvoyé en correctionnel, dans l’affaire du dépassement des comptes de la campagne présidentielle de 2012.
François Hollande (2012 - 2017)
“J’ai décidé de ne pas être candidat à l’élection présidentielle”. Il est 20 h 08, ce jeudi 1er décembre 2016. Le septième président de la Ve République vient de jeter l’éponge. Jamais, depuis 1958, un Président en mesure de le faire n’avait renoncé à se représenter.
Le 7 mai 2017, à 20 heures, quand le visage de son successeur, Emmanuel Macron apparaît sur les écrans, il applaudit celui, dont il disait quelques mois plus tôt : “il m’a trahi avec méthode”. François Hollande avait glissé cela après que son jeune ministre lui eût annoncé le 30 août 2016, dans le bureau présidentiel, sa démission et sa volonté de se présenter à la présidentielle.
Contrairement à Giscard et Chirac, il choisit de ne pas siéger au Conseil constitutionnel. Et contrairement à Sarkozy, il ne fera aucune conférence rémunérée. Il sort son livre où il fait le bilan, les “leçons du pouvoir (2018)”, il entame alors une tournée des dédicaces dans toute la France où il va “à la rencontre des Français”. Il poursuit dans l’écriture avec deux autres livres “Affronter (2021)” et “Bouleversements (2022)”. Il prend également la tête de la fondation qu’il a créée, “la France s’engage” au service de l’innovation sociale.
Conclusion : Que fera Emmanuel Macron après son départ de l'Elysée ?
Pour chacun des présidents de la République, les premiers temps de l’après Élysée ont été particulièrement difficiles. Ils ne sont pas préparés à quitter le pouvoir et ont eu ben du mal à faire face à ce “vide” au quotidien avec notamment un emploi du temps quelque peu moins rempli.
Nos anciens Présidents ressentent rapidement de l’ennui, de la nostalgie, de la frustration. Qu’en sera-t-il pour Emmanuel Macron en 2027 alors qu’il n’aura que 49 ans ? A-t-il déjà pensé à sa sortie ?
En 2014, après avoir quitté le secrétariat général de la présidence durant le quinquennat de François Hollande, il avait voulu être entrepreneur. Voudra-t-il créer son entreprise ? Donner des conférences à l’étranger comme Nicolas Sarkozy ? Écrire ses mémoires comme Jacques Chirac, Valéry Giscard d’Estaing ou François Hollande ? Créer une fondation comme Jacques Chirac ou François Hollande ?
Sera-t-il tenté de revenir en politique à partir de 2032 comme Nicolas Sarkozy, avec plus de succès ?