10 mai 1981 : victoire historique pour la Gauche

Le 10 mai 1981, à 20 heures, l'image du nouveau président se dessine lentement. C'est François Mitterrand !

Après 23 années au pouvoir de manière continue, la Droite, affaiblie par ses divisions, tombe. La Gauche triomphe et accède au pouvoir !

Le candidat socialiste devient le quatrième président de la Vème République, le premier pour la Gauche.

François Mitterrand remporte le scrutin avec 51,7 % des voix contre le président sortant, Valéry Giscard d’Estaing (48,2 %). Un score sans appel !

La troisième candidature aura donc été la bonne pour le premier secrétaire du Parti socialiste (PS). À 64 ans, après un long parcours politique, François Mitterrand fait son entrée à l'Élysée.

À l'apparition du visage du nouveau président sur les téléviseurs, les militants, les sympathisants plus ou moins jeunes exultent. C'est un déferlement de joie et d'enthousiasme ! La foule qui s'est précipitée peu de temps avant aux abords du siège du parti socialiste, rue de Solférino, explose de joie et les cris "Mitterrand président" se font entendre de toute part.

Une autre fête bat son plein place de la Bastille. 200 000 personnes s'y réunissent devant un podium et attendent l'arrivée de responsables socialistes et du premier d'entre eux, François Mitterrand. En attendant, ce sont les artistes qui se présentent sur scène : Renaud, Bernard Lavilliers, Coluche...

Comment François Mitterrand est-il parvenu, et avec lui la Gauche, à remporter la Présidentielle de 1981 ? PoliticAll, votre réseau social 100 % politique, vous replonge dans ce 10 mai 1981, ce jour de victoire pour toute la Gauche.

Nous verrons dans cet article que François Mitterrand et la Gauche profitent d'un contexte économique assombri et d'une droite divisée pour l'emporter (I), mais la victoire de mai 1981 pour la Gauche, c'est aussi le révélateur d'une envie d'alternance, de renouveau dans l'hexagone, portée par le candidat de la "force tranquille", François Mitterrand (II).

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François Mitterrand et la Gauche profitent d'un contexte économique assombri et d'une droite divisée

 

La France de mai 1981 affronte une situation économique compliquée. Les conséquences de la récession suite au deuxième choc pétrolier de 1979 se font ressentir. Les coûts de l'énergie s'envolent. L'inflation est alors à deux chiffres et le chômage augmente.

La France compte alors 1,7 million de demandeurs d'emploi et les analystes prévoient que la barre des deux millions sera atteinte en 1982. Il n'était que 400 000 en 1974.

Cette peur du chômage devient rapidement la première préoccupation des Français. 90 % des personnes interrogées répondent que ce sera la première tâche du chef de l'État au lendemain des élections présidentielles de 1981.

Bien sûr, une telle situation économique assombrit le bilan du président sortant, Valéry Giscard d'Estaing (VGE). Un an avant le scrutin, les sondages donnaient VGE facile vainqueur face à François Mitterrand, recueillant 60 % des intentions de vote. Depuis janvier et février 1981, l'avance du président sortant diminue.

François Mitterrand, habile tacticien, choisit de faire de ce bilan économique peu flatteur pour le pouvoir sortant, un argument de campagne. Il fait de la lutte contre le chômage sa priorité.

Il entend relancer l'économie par la consommation, augmenter les revenus des plus modestes, promettre la création de 210 000 emplois dans la fonction publique et les services publics, ainsi que la diminution progressive du temps de travail et la retraite à 60 ans... En face, Giscard d'Estaing ne peut parler que des actions déjà mises en place depuis quelques années, dont les résultats ne plaident d'ailleurs pas en sa faveur.

En plus du chômage de masse qui ne cesse de progresser, le président sortant doit faire face à une majorité divisée. Son ancien Premier ministre, Jacques Chirac (1974-1976), représentant des gaullistes, n'hésite pas en effet à se présenter face à lui. Le maire de Paris a fondé son parti en 1976, le RPR (Rassemblement pour la République). Jacques Chirac parvient à recueillir 18 % des voix au premier tour.

Éliminé, le maire de Paris devrait en toute logique appeler à voter pour Valéry Giscard d'Estaing pour battre le candidat du PS, François Mitterrand. C'est ce qu'il fait, mais timidement.

"Le 10 mai, chacun devra voter selon sa conscience. À titre personnel... dans la ligne de l'action politique que j'ai toujours menée en faveur d'un certain type de société, je ne puis que voter pour monsieur Giscard d'Estaing", déclare-t-il.

Dans l'entre-deux-tours, l'état-major du RPR n'hésite pas à appeler ses militants à voter pour Mitterrand. Il faut “faire barrage à Giscard !". Chômage de masse, division de sa majorité, le président sortant doit en plus se défendre dans "l'affaire des diamants de Bokassa" qui empoisonne sa fin de mandat et toute sa campagne.

C'est Le Canard Enchaîné qui révèle l'affaire ! Le 10 octobre 1979, trois semaines après la chute de Jean-Bedel Bokassa qui s'était autoproclamé "empereur à vie de Centrafrique" en 1977, Le Canard Enchaîné titre : "Quand Giscard empochait les diamants de Bokassa".

Le journal révèle que ce dernier a remis en 1973 à Valéry Giscard d'Estaing, alors ministre des Finances, une plaquette de diamants de trente carats. Un cadeau dans le cadre de parties de chasse en Centrafrique, lors de voyages privés du ministre.

Valéry Giscard d'Estaing ne parviendra pas à se débarrasser de cette affaire qui va le poursuivre tout au long de la campagne. Les affiches de campagne du président sortant sont même détournées avec de gros diamants, à la place des yeux de VGE. Bien sûr, le chômage de masse, la division de sa majorité, le scandale des diamants de Bokassa, tout cela a joué et explique la défaite du président sortant, mais pouvait-il pour autant résister à une envie d'alternance d'une majorité de Français après 23 années de gouvernement de Droite ?

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Envie d'alternance, de renouveau et la victoire de la force tranquille

En 1974, Valéry Giscard d'Estaing a abaissé l'âge de la majorité de 21 à 18 ans. La jeunesse française en 1981 a envie de changement. C'est avec l'élection présidentielle qu'elle peut, pour une des premières fois, s'exprimer.

Pour elle, 23 ans de gouvernance de droite, ça suffit ! D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si François Mitterrand, le soir de sa victoire, salue prioritairement "les forces de la jeunesse". Cette force qui a joué un grand rôle dans sa victoire !

Ce renouveau, cette alternance n'est pas attendue que par la jeunesse. Le programme des "110 propositions" porté par le Parti socialiste (PS) et son candidat, qui comprend notamment l'abolition de la peine de mort, la retraite à 60 ans, la semaine de travail à 39 heures, la cinquième semaine de congé payé, constitue autant d'avancées sociales attendues par une large part de la population depuis très longtemps.

1981, c'est un programme et un candidat. La victoire pour le PS et la gauche a été permise également par la métamorphose, la transformation de son candidat. En 1981, François Mitterrand approche des 65 ans. Les Français le jugent trop vieux, pas assez moderne. On lui préfère son challenger au sein du PS, Michel Rocard, 15 ans plus jeune.

C'est alors qu'un trio de communicants entre en scène : Jacques Séguéla, Jacques Pilhan et Gérard Colé. Leur mission est de dépoussiérer l'image du candidat socialiste. On lui trouve alors un slogan de campagne "La force tranquille". Une affiche avec un candidat souriant sur fond de campagne.

Une "force tranquille", une "simplicité" qui s'oppose au président Giscard d'Estaing qui apparaît "suffisant et hautain", exerçant le pouvoir de manière de plus en plus solitaire. Il n'est d'ailleurs pas rare de le voir caricaturé en souverain.

Bien plus qu'un slogan, qu'une affiche, l'image d'un homme au sang-froid, impassible et maître de soi apparaît aux yeux des Français lorsque le candidat socialiste, durant une émission de télévision, n'hésite pas devant les journalistes Jean-Pierre Elkabbach et Alain Duhamel à prendre position contre l'opinion publique pour l'abolition de la peine de mort. Pour ces derniers, c'est à ce moment-là que Mitterrand a gagné l'élection.

Si en 1974, Mitterrand était vu comme "l'homme du passé" face au jeune candidat Giscard d'Estaing, en 1981, cette expérience devient un atout. Elle rassure !

Le débat de l'entre-deux-tours n'y changera rien, 1981 sonne bien la victoire de la "force tranquille".

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Conclusion : "Nous avons gagné et maintenant les problèmes commencent !"  

Il est 19 h 10, le dimanche 10 mai à l'hôtel du Vieux-Morvan à Château-Chinon, ville dont François Mitterrand est le maire depuis 1959, lorsque ses conseillers lui apprennent qu'il est le nouveau président de la République.

"Nous avons gagné et maintenant les problèmes commencent !", lance-t-il.

Après les résultats, il salue les militants venus l'acclamer depuis un balcon de l'établissement, puis se rend à la mairie de la ville pour prononcer son premier discours dans lequel il salue "les forces de la jeunesse" avant d'ajouter "il n'y a qu'un vainqueur le 10 mai 1981, c'est l'espoir...".

Un espoir pas évident à satisfaire, tant l'espérance à gauche est grande. Le défi est énorme pour Mitterrand et son camp, montrer que la gauche peut gouverner de manière responsable tout en ne décevant pas "sa base", ces millions d'hommes et de femmes qui ont voté pour elle, attendant, espérant "qu'ils changent la vie".

François Mitterrand voulait un geste fort pour marquer son entrée à l'Élysée. Le 21 mai, il organise une cérémonie solennelle au Panthéon dans le quartier latin et dépose une rose rouge sur les tombes de Jean Jaurès, illustre socialiste, Jean Moulin, martyr de la Résistance, et Victor Schoelcher, figure de l'abolition de l'esclavage aux Antilles.

 

Plus de 40 années sont passées, mais ce 10 mai 1981 est un tournant majeur pour notre Ve République. La victoire de François Mitterrand montre en effet que l'alternance est possible. C'est une victoire qui a suscité également beaucoup d'attentes. Les militants, les sympathisants de gauche et les socialistes croyaient ainsi "en des lendemains qui chantent" et que "changer la vie", plus qu'un slogan de campagne, pouvait devenir réalité.

La confrontation au réel, la conduite des affaires par la gauche durant les deux septennats Mitterrand (1981-1995), ont fait des déçus. Le 10 mai 1981, c'est aussi pour beaucoup "la fin des espérances".

Débat : La Gauche peut-elle selon vous revivre en 2027, un nouveau "10 mai 1981" synonyme de victoire à la présidentielle ? 

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