Nous l’apercevons au moment de l’annonce de la constitution du gouvernement sur le perron de l’Elysée. C’est à lui que revient la tâche « austère » d’égrainer les noms des nouveaux ministres. Il est le secrétaire général de l’Elysée. C’est l’homme du Président, l’homme de l’ombre, l’homme de confiance. Le bras droit et son plus proche collaborateur. Il est « au centre de tout, au courant de tout ». PoliticAll vous dit tout sur le deuxième personnage le plus important de l’Elysée après le Chef de l’Etat.
Bien que très puissant et jouant un rôle essentiel dans l’appareil d’Etat, aucun texte juridique ne définit les missions du secrétaire général de l’Elysée. En l’absence de cadre règlementaire, c’est le président de la République qui définit son périmètre d’action. C’est le Général de Gaulle qui a défini cette fonction inventée sous la IIIème République mais de manière purement administrative jusqu’en 1958.
De Gaulle disait au sujet du secrétaire général de l’Elysée qu’il devait être « au centre de tout, au courant de tout ». Son périmètre, son influence, son pouvoir va dépendre du lien de confiance qu’il entretien avec le président de la République. Le plus souvent, il est un ami et un fidèle du président.
La confiance qui unit le Chef de l’Etat et le secrétaire général de l’Elysée doit en effet être absolue. C’est la personne avec laquelle le Chef de l’Etat passe le plus de temps. Pour que ce binôme puisse fonctionner et être pleinement efficace, ce duo doit s’estimer et une certaine « intimité intellectuelle et affective » doit exister entre les deux.
Installé au premier étage de l’Elysée à côté du salon vert, la salle de réunion qui jouxte le bureau présidentiel, le secrétaire général est le premier arrivé le matin et le dernier parti le soir. Posséder une puissance de travail phénoménale est une des premières qualités indispensables pour prétendre occuper le poste de secrétaire général de l’Elysée.
Il est le seul à avoir un accès direct au chef de l’Etat. Il contrôle et voit tout. Aucun visiteur ne peut rentrer dans le bureau présidentiel sans son aval ou du moins sans qu’il en soit informé. Hautement diplômé, le plus souvent énarque, il dispose également d’une connaissance fine du fonctionnement de l’appareil d’Etat. Toutes les informations, les notes qui remontent au Chef de l’Etat passent par lui. Et à l’inverse c’est à lui que revient la tâche d’actionner les bons leviers pour que les décisions du président de la République soient prises.
Il est en première ligne sur les crises. Il annonce les mauvaises nouvelles. Il gère en effet avec le chef de l’Etat les affaires les plus délicates, les crises comme les attentats et tous les dossiers qui font l’actualité. Il sait résister aux sollicitations et aux pressions.
Le secrétaire général de l’Elysée se doit d’être capable de protéger par tous les moyens le chef de l’Etat. Il doit anticiper et décrypter ses attentes. Son influence est telle qu’il est considéré selon sa personnalité et selon la marge de manœuvre qu’accepte de lui laisser le Chef de l’Etat comme un président bis ou un vice-Premier-ministre.
Le secrétaire général de l’Elysée a un rôle majeur dans la nomination des ministres. Il est le « premier DRH de France ». Afin de constituer l’équipe gouvernementale, il consulte, rencontre pour sélectionner les meilleurs candidats. Il est aussi chargé de consoler et de « recaser » les sortants. Le secrétaire général de l’Elysée est également en charge de la passation de pouvoirs entre le Président « sortant » et le Président « élu ». Il assure de cette manière la continuité de l’Etat.
Alexis Kohler est aux cotés du président de la République depuis 2017. Il est devenu son collaborateur le plus indispensable. Ils se sont connus durant le passage d’Emmanuel Macron au ministère des finances (2014-2016).
Rigoureux, respecté, voire craint, tous les sujets d’importance passent par ce technocrate né en 1972 qui est passé par Science-Po, l’ESSEC et l’ENA. Pour beaucoup d’observateurs, jamais un secrétaire général de l’Elysée n’a eu autant de pouvoirs malgré sa nature très discrète et le fait qu’il soit peu à l’aise dans la lumière.
Avant Alexis Kohler, un autre secrétaire général de l’Elysée a été surnommé « le vice-président ». Il s’agit de Claude Guéant (2007-2011), également ancien ministre de l’intérieur qui durant son passage à l’Elysée a été accusé de court-circuiter le Premier ministre de l’époque, François Fillon. Pour ne rien n’arranger, le président Sarkozy n’hésitait pas à l’envoyer sur les plateaux de télévisions pour défendre l’action du gouvernement.
Avant lui, Dominique de Villepin sous Jacques Chirac a été présenté comme étant à l’origine de la dissolution ratée de l’Assemblée nationale en 1997. D’autres secrétaires généraux de l’Elysée ont été certes moins médiatisés mais ont eu toutefois une influence importante comme Jean-Louis Bianco à la fois le plus jeune à accéder au poste en 1982 et celui à y être resté le plus longtemps, neuf ans, au service de François Mitterrand.
Citons également Hubert Védrine ou Edouard Balladur qui en tant que secrétaire général de l’Elysée ont dû tous les deux accompagner un président de la République malade, François Mitterrand pour Hubert Védrine et Georges Pompidou pour Edouard Balladur. Les secrétaires généraux de l’Elysée peuvent en général compter sur un bel avenir politique en quittant le Palais. Trois anciens « SG » sont ainsi devenus Premier ministre : Pierre Bérégovoy qui n’avait que pour seul diplôme un CAP d’Ajusteur, Dominique de Villepin et Edouard Balladur.
Face au flou juridique qui entoure le rôle et les missions du secrétaire général, chercheurs et constitutionnalistes demandent que celles-ci soient délimitées dans un texte précis et appellent à une description officielle de son rôle.
C’est d’autant plus impératif qu’avec la présidentialisation de la Vème République, le poids du secrétaire général dans la prise de décisions s’est accru par rapport au Premier ministre, ce qui a eu pour conséquence de parasiter la relation entre le secrétaire général et le Premier ministre.
Le secrétaire général de l’Elysée devenant plus que jamais un Président bis ou un vice-Premier ministre. Et compte tenu de la défiance du personnage politique, est-il normal que le secrétaire général de l’Elysée ne tire sa légitimité que du Président de la République ?
Ne serait-il pas préférable de prévoir une audition devant l’Assemblée nationale pour valider sa nomination ? Une femme ou un homme sans légitimité peut-il disposer d’autant de pouvoirs sans en rendre compte en France en 2022 ?